PREAMBULE : CONTEXTE GENERAL DE L’APPEL A PROJET FDVA

La coopération sur les territoires, entre acteurs et avec différents partenaires, est un principe d’action fondamental pour la FEDELIMA (accompagnement des adhérents, appui aux démarches SOLIMA, rencontres territoriales entre acteurs des musiques actuelles,…) ainsi que pour l’UFISC. En 2014-2015, nous avons pu mener un premier état des lieux concernant l’évolution des formes de coopération des lieux de musiques actuelles, via la réalisation d’une étude. Cette étude a été menée à partir de quatre territoires où étaient engagées différentes démarches de coopération de par leurs impulsions de départ (acteurs des musiques actuelles, partenaires publiques, enjeux économiques, perspective de labellisation SMAC, …), leurs états d’avancement, ou encore les acteurs et partenaires impliqués...

Cette étude a pu être mise en œuvre via le soutien du Ministère de la Ville, Jeunesse et Sports / FDVA (Fonds pour le Développement de la Vie Associative) dans le cadre d’un appel à projet spécifique. En novembre 2015, le même ministère a lancé un autre appel à projet, à mettre en œuvre sur 2016, cette fois-ci sur l’expérimentation à la coopération, au dialogue inter-associatif, sur deux territoires cibles, le premier relevant de la politique de la ville et le second, pour une plus faible partie, du milieu rural.

La FEDELIMA et l’UFISC ont répondu à cet appel à projet, en choisissant trois territoires d’expérimentation en milieu rural sur lesquels des acteurs des musiques actuelles sont engagés dans des processus de coopération inter-associative et pour certains avec leurs partenaires publiques. Via cet appel à projet, il s’agit d’accompagner directement des territoires et des acteurs des musiques actuelles à la structuration de leur projet de coopération, par le recours à de l’ingénierie d’accompagnement (chargés de mission, coordinateurs, animateurs …).

Trois territoires ruraux d’expérimentation ont été choisis :

  1. le Nyonsais-Baronnies dans la Drome,
  2. le territoire du Couserans en Ariège,
  3. et le bassin de vie de Coustellet dans le Sud Vaucluse.

Sur chacun de ces territoires, il s’agit d’accompagner des projets différents de coopérations inter-associatives et / ou de co-construction de politiques culturelles publiques articulés autour de trois adhérents de la FEDELIMA :

  1. La Cigale sur le Nyonsais-Baronnies dans la Drome,
  2. Art’Cade sur le territoire du Couserans en Ariège,
  3. La Gare sur le bassin de vie de Coustellet dans le Sud Vaucluse.

Pour chacun de ces projets de coopération et/ou de co-construction, un cahier des charges d’accompagnement spécifique définira les besoins et les attendus spécifiques aux problématiques de coopération et de dialogues inter-associatif rencontrées par les acteurs. Cet appel à projet comprend également une phase importante de capitalisation des travaux pour en assurer un transfert et un partage plus large au-delà les trois expériences soutenues et si possible au-delà du secteur des musiques actuelles.

La Drôme

L'Ariège

Le VAUCLUSE


1.  CONSTATS ET ANALYSE DU PÉRIMÈTRE

Le secteur des musiques actuelles est depuis longtemps – pour sa partie associative et non lucrative -  en pointe dans la recherche de nouvelles formes de travail en commun, de nouvelles formes de concertation et de co-construction. Ceci peut s’expliquer notamment par une histoire construite dans l’éducation populaire et la « contre-culture », qui promeut la diversité culturelle et les droits des personnes, mais aussi par la difficulté des porteurs de projets à faire reconnaître ces réalités aux collectivités publiques d’un côté, et à dépasser l’imaginaire nourri par les médias et l’industrie. Ces acteurs se sont regroupés de façon informelle, puis formelle, au travers notamment de fédérations et de réseaux, pour développer des actions et des méthodes sans cesse renouvelées, basées sur un socle de valeurs humaines les plaçant dans des perspectives d’intérêt général, au plus près des besoins des populations et des territoires.

Aujourd’hui, alors que le secteur est professionnellement très structuré, que le dialogue avec l’état et les collectivités territoriales est pour partie établi, que l’inscription des projets de lieux notamment dans l’intérêt général se renforce tout en restant fragile, de nouvelles problématiques se font jour. Dans le même temps, la structuration de ces structures s'est enrichie d'espaces plus collectifs, dépassant le secteur des musiques pour embrasser l'ensemble du champ artistique et culturel, s'associant de façon transversale et intersectorielle avec des réseaux d'économie solidaire et des réseaux associatifs. Le territoire et la mise en dynamique des initiatives émergent alors comme un enjeu fondamental pour l'action citoyenne et l'action publique. Les mutations profondes de nos sociétés sur les plans technologique, social, économique et politique bouleversent les rapports humains et ont accru les tensions sur des logiques de concurrence généralisée, de compétitivité et d’attractivité des territoires. La rigueur budgétaire s'accentue et les associations sont parfois remises en cause dans leurs fondements citoyens mais aussi dans les moyens qui leur permettent d'opérer, au détriment des plus fragiles. Pour les structures, cela oblige à de profonds questionnements sur leur positionnement dans l'action public, sur ce qui fait contribution au bien commun sur un territoire à géométrie variable, un territoire sensible. Cela appelle aussi à trouver de nouvelles réponses de solidarité et de complémentarité sur un même territoire.

L’équation peut alors aller jusqu’à « coopérer ou disparaître »… mais la plupart du temps, avant d’en arriver là, d’eux-mêmes, les acteurs construisent des modalités de coopération, pour aller vers des projets partagés sur des valeurs politiques fortes et des expériences qui sont tout à la fois génératrices d’activités, d'emploi, d’idées, de lien avec la population et avec les autres acteurs et partenaires du territoire. Par ailleurs, la recomposition en marche des territoires (phénomène de métropolisation et de la ville-centre) tend à profiler les espaces de vie, de travail, de loisirs, d'échanges et de flux autour d'une notion d'urbanité obligée dont la centration n'aurait pas de limite. La métropolisation, telle que présentée à l'opinion publique (notamment via les lois NOTRe[1] – Loi MAPTAM[2]), semblerait ainsi être l'eldorado.

Néanmoins depuis une vingtaine d'années, les « campagnes » ou encore « les mondes ruraux» séduisent de plus en plus par leur qualité de vie, leur environnement et leurs rapports de proximité.... Apparait, en effet, un phénomène d’accroissement de la mobilité résidentielle des français vers ces espaces, une évolution des modes de vie et un certain dynamisme démographique des « espaces à dominante rurale » (100 000 personnes par an) et une forme de « résidentialisation » des campagnes des villes qui posent des mutations profondes qui se jouent sur les territoires ruraux et au niveau sociétal. Ces territoires doivent répondre à de  nouveaux défis qui doivent être relevés par et pour les acteurs notamment en terme de politique d’accueil (volonté partagée) permettant d’améliorer la qualité de vie globale du territoire et ses dynamiques en s’inscrivant dans la durée. Les acteurs associatifs en milieu rural sont par ailleurs confrontés à un environnement territorial mouvant, en pleine recomposition, qu'ils doivent décrypter et appréhender. Les défis en terme d'aménagement sont nombreux et obligent à construire de nouvelles méthodes et processus de dialogue entre acteurs associatifs et acteurs publics : dispositifs de solidarité et de péréquation entre territoires, réalités d'inter-territorialité, coopération entre collectivités, décloisonnement des services sectoriels, nouvelles articulations des politiques publiques et notamment européennes au vu des programmes de fonds structurels etc. Ainsi, l’ensemble de ces analyses nous montrent que les territoires de vie, notamment en milieu rural, sont des terreaux de diversité, des laboratoires sociaux, riches de savoirs, de pratiques, de ressources, encore faut-il en repenser la coopération et renforcer les démarches de coopération à l’œuvre sur ces territoires.

En ce sens, il parait aujourd’hui essentiel d'une part d’approfondir l’apport des dynamiques de coopération inter-associatives et l’agir collectif pour progresser vers plus de démocratie, en particulier au local et d'autre part de renforcer les initiatives en terme d’action publique co-produite entre acteurs publiques et citoyens.  Dans ce cadre, les associations culturelles et les initiatives citoyennes ont un rôle important à jouer. La participation des personnes à la construction citoyenne est garante d’une capacité de réinventer un vivre-ensemble partagé, l’équité territoriale et sociale, de renouveler les solidarités, d’organiser les communs. En ce sens, la reconnaissance de leur contribution à l'action publique et leurs participations à des processus nouveaux de coconstruction de l'intérêt général sont des enjeux déterminants.

  • Un travail collectif autour des démarches de coopération inter-associatives et de co-construction de politiques cultuelles publiques

La FEDELIMA, dans sa mission d’accompagnement de ses adhérents sur leur territoire, observe entre autres, les démarches de coopération inter-associatives et de co-construction de politiques publiques entre acteurs et partenaires publics territoriaux.

Au travers de ces initiatives de coopération, deux démarches se distinguent par l’objectif premier qu’elles défendent, même si dans les finalités, elles se rejoignent et participent de l’une à l’autre. La première réunit un groupe d’acteurs qui construisent un projet commun visant à trouver des orientations communes, des moyens à partager... Si, dans ce cas, l’objectif premier est la structuration des acteurs, cette démarche participe également au final à un meilleur maillage du territoire et à la constitution de diagnostics et de paroles collectives auprès des autorités locales.

La deuxième réunit des acteurs et des partenaires publics d’un territoire, afin de mener une réflexion collective sur les besoins en matière culturelle de ce dernier. L’objectif est alors bien de co-construire une politique culturelle publique en direction de la population de ce territoire, qui peut s'appuyer sur différents espaces et processus. Pour mener à bien ce type de démarche, une méthode – élaborée entre l’Etat, les collectivités territoriales et les réseaux d’acteurs – a par exemple été proposée aux acteurs des musiques : le SOLIMA[3] (Schéma d’orientation des lieux de musiques actuelles). Cela se traduit particulièrement par des logiques de complémentarités entre les acteurs, voire en développant certaines coopérations entre ces derniers, ce qui contribue également souvent à leur structuration.

  • Un groupe de travail spécifique à la ruralité

Par ailleurs, toujours dans le cadre de ses missions d’accompagnement et d’observation, la FEDELIMA a initié, en 2008, un groupe de travail autour des liens entre projets culturels et  ruralité afin de proposer différents axes d’échanges et de réflexions aux acteurs des musiques actuelles en milieu rural ou en grande interaction et proximité avec le milieu rural.Cette dynamique a débuté par un premier temps d’échanges au Run ar Puns à Châteaulin dans le Finistère en 2008, complété par une étude en 2009 (Etude « les lieux de proximité de musiques amplifiées/actuelles : l’exemple du milieu rural). S’en est suivie une dynamique de travail et d’échanges qui s’incarne via des temps de groupes de travail ponctuels mais aussi des temps de rencontres nationaux qui approfondissent certaines problématiques, s’ouvrent à d’autres interlocuteurs ou chercheurs qui viennent nourrir nos échanges et débats. Une vingtaines de structures adhérentes à la FEDELIMA s’impliquent activement au sein de ce groupe de travail. Et depuis 2015, le groupe de travail s’est élargi à d’autres organisations, qui partagent des enjeux et des réflexions autour de la ruralité et le développement, entre autres, culturel des territoires, à savoir  l’UFISC, Union fédérale d’intervention des structures culturelles avec certains de ses réseaux associatifs membres, THEMAA, Association nationale des théâtres de marionnettes et des arts associés, la Fédération nationale des arts de la rue, le Centre International des Théâtres Itinérants (CITI) ainsi que le CNV, Centre national de la Chanson, des variétés et du jazz et Opale-CRDLA culture. De plus, ce groupe de travail est associé à une liste de diffusion où l’ensemble des participants peuvent transmettre aux autres participants des informations, poser des questions, partager des ressources, des expériences…

Les constats faits au travers des travaux menés autour de la coopération et dans le cadre du groupe de travail « ruralité » rejoignent ce qui est dit plus haut, sur la capacité d’innovation du milieu rural. Les observations montrent que c’est en milieu rural que les démarches de coopération semblent rencontrer le plus d’engouement. En effet, l’isolement des acteurs, la faiblesse des moyens publics mais aussi la non concurrence de fait entre les acteurs éloignés les uns des autres incitent à la mise en place de ce type de démarche.  Autre spécificité des coopérations menées en milieu rural, c'est une structuration plus territoriale que sectorielle : contrairement au milieu urbain, les projets inter associatifs et/ou de co-construction d’une politique publique visant à un meilleur aménagement du territoire tendent à dépasser la filière artistique pour associer des acteurs venant plus largement du secteur culturel mais aussi social, de l’éducatif, de l’environnement, de l'agriculture, du commerce local...

2. OBJECTIFS ET MÉTHODE DE TRAVAIL

L’expérimentation que nous souhaitons mener porte sur plusieurs démarches de coopération inter-associative développées en milieu rural qui contribuent à la structuration d’acteurs et à des problématiques d’aménagement et de construction du territoire. Nous avons choisi d'identifier trois expériences particulières - à mettre en lien - qui sont engagées dans un processus de dépassement sectoriel. Leur diversité en termes d'objectif initial de niveau d’avancement, de région et territoires d'implantation permettra une mise en perspective et une analyse croisée.

L’objectif général de cette expérimentation sera d'accompagner ces trois processus expérimentaux de coopérations qui visent à la structuration d’acteurs et à une meilleure construction du territoire et  d'analyser et d'essaimer ces démarches.

Autrement dit, il s’agit via cette expérimentation de permettre :

  • Un accompagnement de trois démarches de coopération inter-associatives en cours
  • Une lecture plurielle et une modélisation des processus de coopération et de l’impact que ces derniers peuvent avoir sur la structuration des acteurs et l'aménagement du territoire,
  • Une logique partenariale, avec des acteurs de l'accompagnement, du monde scientifique et public, pour renforcer les accompagnements, les échanges de pratiques, les analyses réflexives, les essaimages

D’un point de vue méthodologique, l’expérimentation pourrait se décliner en trois axes de travail :

1 - Un axe de connaissances et d'analyses pour renforcer la connaissance globale et les objectifs de la coopération inter-associative.

Les objectifs suivants seront recherchés :

  • Identifier et qualifier les caractéristiques et spécificités des structures et coopérations considérées sur les trois territoires identifiés;
  • Améliorer l’interconnaissance des acteurs sur les territoires
  • Proposer une observation territoriale des coopérations
  • Connaitre le territoire, identifier les interlocuteurs et favoriser l’interconnaissance avec les autorités publiques locales
  • Repérer et valoriser les initiatives et les innovations sociales en matière de structuration inter-associative et de dialogue avec les autorités locales (organisation de la coopération, nouvelles gouvernances, espaces de dialogue,…).

2 - Un axe d'accompagnement des acteurs

Dans le cadre de la démarche nous souhaitons travailler avec les trois territoires faisant l’objet de l’expérimentation et mettant en œuvre un travail de coopération inter-associative et/ou de co-construction d’une politique culturelle pour un territoire. L’intérêt est d’articuler l’expérimentation avec une dynamique nationale et d’autres réseaux d’acteurs souhaitant partager les réflexions et le travail mené.

Les objectifs suivants seront recherchés :

  • Favoriser l’accompagnement des acteurs à travers des interventions d'appui et des apports méthodologiques ;
  • Faire valoir les expérimentations et démarches d’innovations en cours (SOLIMA par exemple) et les nouvelles formes de co-production et de construction d’action publique.
  • Mobiliser les acteurs du territoire dans le cadre de l’évolution des cadres politiques, des recompositions territoriales et des enjeux de la ruralité (réforme des collectivités, fonds structurels, relations avec les collectivités, …)

3 - Un axe de capitalisation et d’essaimage

Les objectifs suivants seront recherchés :

  • Partager les expériences dans les processus de rapprochement inter associatif local innovant et dans la coconstruction des politiques publiques
  • Identifier les leviers, les conditions de succès ou de freins pouvant bénéficier à d’autres territoires et d’autres acteurs…
  • Construire une analyse des différents processus de coopération dans l’objectif d'essaimer et d’apporter des éléments méthodologiques aux acteurs souhaitant s’engager dans ce type de démarches, ainsi qu’aux intervenants et aux organismes qui les accompagnent.

[1] Loi NOTRe : Nouvelle Organisation Territoriale de la République

[2] Loi MAPTAM : Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’affirmation des Métropoles

[3] SOLIMA : Schéma d’orientation pour le développement des lieux de musiques actuelles